Le chargement

Ah vacances ! C’était bien, mais c’est fini.

Deux semaines en Bretagne près du golfe du Morbihan, une semaine chez Madame Tina pour notre réunion tribale traditionnelle, un petit crochet dans le Médoc pour poser les enfants chez mes parents et me voila de retour.

Quelque soit le lieu, le temps, les vacances c’est bien. On n’en garde que le meilleur et on oublie vite les moments pénibles. Je ne sais pas si c’est pareil chez vous, mais au Kikimundo, quand on part en vacances, il y a toujours au moins un moment pénible : Charger la voiture.

Et quand on a prévu plusieurs étapes, on charge la voiture plusieurs fois. C’est l’inconvénient des vacances itinérantes. On se demande toujours comment on va s’y prendre pour tout faire rentrer. Et surtout, est-ce qu’on va y arriver ?

En général, c’est une tâche qui m’incombe. Mon amour remplit les sacs, et moi, je remplis la voiture. C’est un travail d’équipe.
Nous essayons de respecter une règle simple en préparant nos bagages : On voyage léger.
Nous avons pris cette habitude car lorsque nous allons chez mes beaux-parents, nous devons prendre l’avion, et horsmis la limitation en poids imposée par le règlement des compagnies aériennes, l’ensemble doit rester transportable.

Je me souviens du premier Noël qu’on a passé là-bas. Notre blondinette avait trois mois. Connaissant la rigueur des hivers québécois, mon amour avait préparé les valises en conséquence. Nous avions deux énormes sacs de vêtements et à coté, tout le kit de survie quand on voyage avec un nourrisson ( couffin, sac à langer, hochets…). Sur place, comme il a fait très froid, nous sommes très peu sortis et nous n’avons pas utilisé la moitié des vêtements que nous avions amené. A la fin de notre séjour, au moment de refaire les bagages, je me suis aperçu avec horreur qu’il avait deux fois plus de choses à renter dans les sacs qu’au départ. Eh oui, Noël et le Boxing day étaient passés par là. Et les mamies (mes parents nous avaient rejoints) avaient bien joué à la poupée avec leur première petite-fille… Nous avons dû emprunter des sacs pour tout emporter. Au final, nous avions deux fois plus de bagages que de bras pour les porter.

A l’époque, nous manquions d’expérience. Mais maintenant, nous ne partons plus en voyage sans avoir en tête ces deux lois fondamentales qu régissent l’agencement des bagages :

1 – Quelque soit le volume prévu pour les bagages, il est toujours trop petit.

2 – On en ramène toujours plus qu’on en a emporté.

C’est pourquoi nous nous efforçons de ne prendre que le minimum vital. Après, il reste à définir ce qu’est le minimum vital. Cela peut varier d’un individu à l’autre. Un observateur attentif remarquera aisément que le volume de bagage attribué à chacune des cinq personnes de notre famille n’est pas proportionnel à la taille de l’individu. Par exemple, Mam’zelle Milou, qui est la plus fluette, a le plus gros sac. Il faut dire qu’elle n’envisage pas de partir sans prendre une tenue adaptée chaque circonstance. Je n’ai pas encore bien compris ce qu’était une « circonstance » pour notre Milou. Elle grimpe aux arbres habillée en robe ou elle nage dans la Sarthe en T-shirt et en culotte, mais quand on visite une mine d’ardoise, elle essaye par tous les moyens de se soustraire au port du casque de sécurité obligatoire parce que la couleur jure avec sa tenue. Tout ça pour vous dire que même avec la meilleure volonté du monde, on a beaucoup de mal à voyager léger.

En principe, nous avons besoin de quatre sacs pour nos vêtements : Un sac pour les parents et un sac par enfant.

Je dois aussi prévoir de la place dans le coffre pour le SLAT, ce qui nous fait un sac suplémentaire. Vous devez probablement vous demander de quoi je parle. Embarquerait-on un sixième passager ? Serait ce un extraterrestre venu d’on ne sait où pour nous pourrir le voyage ? Non, pas du tout. Ce qui se cache derrière ce sigle est beaucoup moins exotique. Les blogueurs amateurs de littérature connaissent déjà la LAL (Liste à lire) et la PAL (Pile à lire). Et bien au Kikimundo, nous avons aussi le SLAT, le sac de livres à se trimbaler. Il contient les PAL de vacances de toute la famille, mais aussi les livres que Mon Amour prête, rend ou emprunte aux amis que nous allons visiter. Le volume occupé par le SLAT peut donc varier au cours du voyage, mais à chaque fois qu’on repart, il est plus important que lorsqu’on est arrivé (Application de la loi fondamentale n°2). D’autant plus que nous ne partons pas dans des endroits totalement coupés du monde. En chemin, on croise forcement une librairie ou deux. Et certains d’entre vous ont pu observer le comportement de mon Amour dans une librairie (pour les autres allez voir ICI)… Vous commencez à comprendre quelle est mon angoisse quand vient le moment de charger les bagages.

Pour arriver à une occupation optimale de l’espace disponible, j’utilise la méthode des « gros cailloux ». Elle s’inspire de la fable du même nom que je pense inutile de vous rappeler tant elle a été diffusée sur le net. Pratiquement tout le monde a déjà lu une version plus ou moins remanié de cette histoire, et ceux qui ne la connaissent pas peuvent facilement la retrouver grâce à un moteur de recherche.
Le principe consiste à d’abord charger les paquets les plus volumineux et de boucher les trous avec les plus petits. Il faut également tenir compte du facteur de cassabilité. C’est une contrainte supplémentaire dont le but est de respecter l’intégrité des cadeaux qu’on va offrir aux amis que nous allons rencontrer. Notre Gardienne des traditions est formelle : Quand on offre quelque chose, ça ne doit pas être cassé. Et l’argument du « Deux en un » ( Ben comme ça il aura aussi un puzzle) est irrecevable. Lorsqu’on choisit un cadeau, on devrait toujours penser aux conditions de transport. Dans un coffre bourré à craqué, à volume équivalent, il est plus facile de caser une grosse boite de cassoulet qu’une théière en porcelaine. Mais bon… Il parait qu’une boite de cassoulet, ça n’est pas un cadeau. Alors il faut veiller à ce que les paquets fragiles soient bien protégés et pas écrasés par le reste.

Lorsque les gros bagages sont prêts, je commence à remplir le coffre. Pendant ce temps, les petit paquets continuent d’affluer sur le tas à charger : Un jeu, une paire de chaussures, un pull qu’on a oublié de mettre dans le sac…

Pour tenir compte de l’inertie du flux, j’envoie un signal d’alarme à l’état major lorsque le taux de remplissage du coffre atteint le seuil critique de 90%. Cela signifie qu’il est temps de ce concentrer sur les oublis de dernière minute. Il y en a toujours… Quoi qu’on fasse, quand les derniers paquets arrivent, le coffre est déjà plein. La seul façon de les emporter, c’est de les disposer dans l’habitacle, au pied des enfants.

Vous me direz qu’on pourrait utiliser une « extension bagages », comme un coffre de toit ou une remorque. Bien sûr, mais il faut penser au principe de remplissage spontané des espaces de stockage. Il s’applique à tout ce qui peut contenir quelque chose, comme une maison, un grenier, le disque dur d’un ordinateur, un réfrigérateur… Il peut se peut formuler ainsi :

Plus il y a de place, plus on en prend.

Lorsqu’on applique ce principe aux bagages, on revient invariablement à la loi fondamentale n°1. Ce qui nous éloigne d’avantage de notre objectif initial : Voyager léger.

Voilà. Quand la voiture est chargée, il ne reste plus qu’à partir en espérant très fort qu’il ne nous arrive pas une grosse tuile, comme celle de l’hiver dernier, quand nous sommes allés chez mes parents. Petites vacances donc peu de bagages, mais beaucoup de cadeaux car c’était Noël. Comme d’habitude, le coffre était plein. En partant, je me suis tout de suite rendu compte que la voiture roulait bizarrement. Je l’ai garé cinq mètres plus loin et j’en ai fait le tour pour vérifier ce qui clochait… Damnerde ! Une crevaison. Et vous savez où est rangée la roue de secours dans notre voiture ?

Dans le coffre bien sûr…

J’ai dû tout vider sur le parking, en prenant soin de cacher les paquets de Noël aux enfants qui commençaient à se chamailler, puis tout recharger après avoir changé la roue. En plus ce jour là, il pleuvait. Les essuie-glaces étaient morts et le chauffage en panne… Vous avez dit loi de Murphy ?!?

A part les petits tracas du départ, qu’on a vite fait d’oublier (malgré ce que pourrait laisser penser le contenu de cet article), j’ai passé d’excellentes vacances. J’en parlerai peut-être la prochaine fois.

Par contre le retour fût plutôt rude. Quand nous sommes rentré à la maison, une désagréable surprise m’attendait. D’habitude, chez nous, à partir du mois de juillet, il n’y a plus d’herbe. Tout a grillé. Et bien là, non. Avec la complicité d’un début d’été assez humide, la végétation a lâchement profité de notre absence pour envahir le jardin. C’est incroyable ! On aura tout vu : Etre obligé de tondre en été… Ce putain de dérèglement climatique, c’est vraiment N’importe-quoi !


Juillet 2007 – L’été où j’ai dû tondre l’herbe dans notre jardin.

Monsieur Toutou

Le mois dernier, notre ministre du tourisme m’a informé que de très jeunes visiteurs s’aventuraient parfois au Kikimundo. Comme on est en période de vacances scolaires, je me suis dit qu’il serait bien de faire quelque chose pour nos petits amis. J’ai donc essayé de trouver un programme qui pourrait convenir aux plus jeunes. Mais par où commencer ? Qu’est-ce qui pourrait bien plaire aux enfants ? C’est qu’elle est loin, ma jeunesse.

Et puis l’autre jour, en farfouillant dans mes vieux disques, je suis tombé sur un 45 tours que j’écoutais beaucoup quand j’étais petit : La maison de Toutou.

La maison de Toutou était l’une des séries à marionnettes qui connurent un grand succès dans les années 60. Elle était diffusée sur la première chaine de l’ORTF entre 1967 et 1973, à raison d’un épisode par mois.

Monsieur Toutou vit dans une petit maison à la campagne. Il est bricoleur et s’occupe de son jardin. il aime aussi pêcher les poissons rouges dans son bassin. Il cohabitent paisiblement avec Mademoiselle Zouzou, une chatte d’intérieur maligne et parfois moqueuse. Un matin, Toutou et Zouzou font la connaissance de leur nouvelle voisine, Madame Kiki.

Attention ! Ne vous laissez pas tromper par l’homonymie. La Madame Kiki de cette histoire n’est pas ma charmante épouse, c’est une petite grenouille curieuse et coquette. Je tiens à préciser cela car Mon Amour est très susceptible et elle n’apprécie pas du tout qu’on la compare à un animal (voir les commentaires sur cet article). Alors s’il vous plait, évitez les plaisanteries sur le sujet, parce que je risque encore de me faire battre…

Madame Kiki travaille à la météo. Tous les trois vont vite devenir les meilleurs amis du monde. A la fin de chaque épisode, Monsieur Toutou prononce une phrase qui commence par : « Je suis un bon gros Toutou … » (bien attrapé, gourmand, rêveur…)

Voici donc, pour nos petits amis, un épisode de La maison de Toutou.

C’est toujours avec bonheur que je retrouve cette série. Mais elle me rappèle également un souvenir pénible.

Je devais avoir sept ou huit ans. C’était l’été. Et comme tous les étés, ma sœur et moi étions partis un mois en colonie de vacances. Ma maman profitait de notre absence pour faire un peu de rangement. Cette année là, elle avait décidé de donner quelques uns de nos jouets à une de ses collègues. Elle avait fait sa sélection et avait attendu qu’on soit rentré pour nous demander notre avis. Quelques jours après notre retour, elle sortit un grand sac en plastique du placard et m’invita à l’ouvrir :

– Tiens, regarde. C’est des vieux jouets à vous que je veux donner. Tu est d’accord ?!?

Le sac était rempli de hochets, de cubes multicolores et autres jeux éducatifs dont j’avais gardé un souvenir lointain. Mais au milieu de cet amoncèlement de formes diverses aux couleurs variées, j’ai vite reconnu une silhouette très familière. Celle de Monsieur Toutou. Mon Monsieur Toutou. C’était un jouet en plastique d’environ trente centimètres qui, à l’origine, devait faire « pouêt pouêt » quand on lui appuyait sur le ventre. Lorsqu’on l’agitait, ses oreilles en simili fourrure bougeaient comme celles d’un vrai chien. Il portait son éternelle salopette et tenait devant lui un petit arrosoir vert. Je l’avais eu à mon premier anniversaire et j’y étais très attaché. Quand j’étais petit, j’avais une affection particulière pour certains de mes jouets. Une affection très forte comparable à celle qu’on peut avoir pour quelqu’un de sa famille. Monsieur Toutou était un de ceux là. Vous comprenez donc quel fut mon émoi quand je l’ai aperçu dans le sac :

Tu veux donner Monsieur Toutou ?!?
Ben oui. Tu es grand maintenant, et tu ne joues plus avec.
Mais c’est Monsieur Toutou…
Tu sais, c’est pour des gens qui n’ont pas beaucoup de sous. Ils ne peuvent pas acheter des jouets à leurs enfants.
Oui, mais c’est …
Et puis toi, tu en as plein d’autres, des jouets. Tu peux bien donner ceux-là à des petits enfants malheureux. Hein ?
Oui, mais…
Hein ?!? Pour les petits enfants malheureux…
D’accord ?

Et j’ai dit oui. Le cœur gros, j’ai vu disparaitre mon Monsieur Toutou dans le grand sac en plastique.

Cette histoire m’a profondément marqué, et un tiers de siècle après, ma mère entend encore parler du jour où elle m’a forcé à donner Monsieur Toutou. Je la taquine un peu. Je sais bien qu’elle a compris que ce jour là, elle avait fait une grosse boulette, mais j’adore la voir essayer de se justifier :

Mais je t’avais demandé… Il fallait le dire que tu voulais le garder ton Monsieur Toutou !
Ah ouais ?!? Et tu crois vraiment que j’avais le choix ?
Ben je t’ai demandé …
Et le coup de petits enfants malheureux. Tu crois que c’était loyal ça ? C’est comme la mère Chirac qui pique aux mômes leur argent de la petite souris à coup de bons sentiments. C’est du racket !
Alors tu m’en voudras toujours ?!?
Mais non La Moune, je ne t’en veux pas. Mais quand même, c’était Monsieur Toutou…

Moralité : Ne forcez pas vos enfants à donner leurs jouets, vous pourriez en entendre parler très longtemps.

Si vous tenez absolument à vous débarrasser de certaines de leurs affaires, faites le sans rien dire. Et s’ils se rendent compte que des jouets ont disparu, inventez une histoire. Dites par exemple qu’un voleur les a pris ou qu’ils ont été enlevés par des extraterrestres, mais ne leur faites pas le coup des petits pauvres. C’est trop cruel. Racontez leur plutôt N’importe-quoi.

Pour finir voici une des histoires extraite de mon disque. Celle que je préférais et qui me rapprochait d’avantage de Monsieur Toutou. Le son n’est pas très bon, mais le disque est vieux et usé. Il a tellement servi qu’il craque de partout. (Comme moi !)