Citons un peu (en attendant des jours meilleurs)

Comme le jeudi c’est jour de citation, en voici une de Friedrich Nietzsche qui vous expliquera la façon dont je perçois le travail et mon aversion pour ceux qui veulent nous faire travailler plus et plus longtemps…

§173 – Les apologistes du travail.

Dans la glorification du « travail », dans les infatigables discours de la « bénédiction du travail », je vois la même arrière-pensée que dans les louanges des actes impersonnels et d’un intérêt général : la crainte de tout ce qui est individuel. On se rend maintenant très bien compte, à l’aspect du travail – c’est-à-dire de cette dure activité du matin au soir -, que c’est là la meilleure police, qu’elle tient chacun en bride et qu’elle s’entend à entraver vigoureusement le développement de la raison, des convoitises, des envies d’indépendance. Car le travail use la force nerveuse dans des proportions extraordinaires, il retire cette force à la réflexion, à la méditation, aux rêves, aux soucis, à l’amour et à la haine, il place toujours devant les yeux un but limité et accorde des satisfactions faciles et régulières. Ainsi une société où l’on travaille sans cesse durement jouira d’une plus grande sécurité : et c’est la sécurité que l’on adore maintenant comme divinité suprême. – Et voici (ô épouvante !) que c’est justement le « travailleur » qui est devenu dangereux ! Les « individus dangereux » fourmillent ! Et derrière eux il y a le danger des dangers – l’individuum !

Nietzsche – Aurore – Réflexions sur les préjugés moraux (Morgenröte – Gedanken über die moralischen Vorurteile, 1881)

Cambronne et les cinq synonymes

Puisqu’on est jeudi, et que d’après ce que j’ai lu Madame Turquoise, le jeudi c’est le jour des citations, je vais tenter de vous en faire trouver une à l’aide d’une devinette.

Question : Quelle est la différence entre un train et une gare ?

Réponse : Le train se rend de gare en gare, alors que la gare demeure mais ne se rend pas.

« La garde meurt mais ne se rend pas. »

On attribue cette phrase à Pierre Cambronne, le général de l’Empire qui commandait le dernier carré de la vieille garde lors de la bataille de Waterloo. On dit qu’il aurait prononcé ces mots en réponse à l’officier anglais qui lui demandait de se rendre. C’est ce qu’on dit, mais rien n’est sûr. La paternité de la citation, déjà sujette à controverse de son vivant, alimente encore des querelles d’experts. Personne ne sait ce qu’a vraiment dit Cambronne à Waterloo. Certains pensent qu’il donna une réponse beaucoup plus concise ne tenant qu’en un mot, un mot grossier en cinq lettres et qu’on appelle aujourd’hui par euphémisme « mot de Cambronne ».

C’est Victor Hugo qui, dans son roman « Les misérable », lui attribua ce mot en premier, mais malgré cette prestigieuse référence littéraire, le mot de Cambronne est interdit au Kikimundo. A la maison, nous avons certaines règles concernant le vocabulaire. Pour que les enfants apprennent à ne pas dire n’importe quoi devant n’importe qui, notre gardienne des traditions et des bonnes manières a proscrit les grossièretés. Elle a même instauré une loi pour sanctionner les contrevenants : Celui qui dit un  mot tabou doit en donner cinq synonymes dans un langage châtié.

La loi des cinq synonymes fait maintenant partie de nos institutions. Dès que quelqu’un prononce un mot tabou, il y en a toujours un qui s’écrie instantanément : « Cinq synonymes ! »

C’est une tradition et chez nous, on ne plaisante pas avec la tradition.

Au risque passer une nouvelle fois pour un iconoclaste et de m’attirer les foudres de notre gardienne, je dois avouer que cette coutume me semble un peu ridicule. Attention, je ne remets pas en cause le bien-fondé de la loi ni sa valeur éducative. Elle force nos enfants à surveiller leur langage et leur permet d’enrichir leur vocabulaire. Mais en l’utilisant systématiquement, elle perd sa dimension pédagogique et tient maintenant plus du tic de langage qu’autre chose. La loi des cinq synonymes n’est vraiment efficace que lorsqu’un mot interdit est prononcé pour la première fois. Le fautif se creuse un peu les méninges pour trouver cinq synonymes, mais la seconde fois il lui suffit de la réciter la liste précédemment établie pour faire amande honorable. Il faudrait donc l’utiliser avec plus de discernement et arrêter de s’exclamer « cinq synonymes » à tout bout de champ.

De plus, Je pense que dans certains cas, la grossièreté peut être excusée. Il faudrait adopter un amendement qui l’autorise à titre exceptionnel. Dans la situation de Cambronne à Waterloo par exemple, il me semble raisonnable de ne pas le sanctionner pour son fameux mot. Je ne vois d’ailleurs pas ce qu’il aurait pu dire d’autre. J’imagine mal ce militaire au milieu du champ de bataille, coincé dans son carré et sur le point de se prendre la branlée de sa vie (pardon gardienne) de subir une cinglante défaite, crier « Caca boudin  » à l’ennemi qui le somme de se rendre. Non, dans son cas la grossièreté était quasiment obligatoire. Avec un synonyme, sa réponse aurait beaucoup perdu en force et en notoriété. Elle ne serait probablement jamais entrée dans les annales et c’eût été dommage car le mot de Cambronne n’aurait pas inspiré à d’autres quelques citations rigolotes.

« Cambronne à Waterloo a enterré le Premier Empire dans un mot où est né le Second. »
Victor Hugo

« Cambronne ne mâchait pas ses mots. Heureusement pour lui. »
Jean Yanne

Je reviens…

Trois semaines sans donner de nouvelles… Vous avez peut-être imaginé le pire…

Et bien non, je n’ai pas été emporté par un mal aussi soudain qu’incurable, ni kidnappé par une organisation terroriste quelconque,  ni emprisonné pour délit d’opinion, ni enlevé par des extraterrestres, ni foudroyé par la colère de Dieu. Non, j’étais tout simplement en vacances au bord de la mer comme tout le monde, et sans internet, ce qui vous explique l’estivation de ce blog…

Me voici de retour à la maison depuis quelques heures et je redémarre doucement. Aujourd’hui c’est le blog  :D et  lundi ce sera le boulot :-L . Mais évitons de parler des choses qui fâchent.

Je suis content de retrouver le Kikimundo et ses gentils visiteurs. Dans les semaines à venir, je compte vous raconter la fin des aventures d’Escarg Holmes mais pour l’instant, je n’ai rien de prêt. Alors en attendant, voici quelques photos de vacances, des images d’un bord de mer qui donne matière à faire n’importe quoi…